Un lieu de mémoire franco-allemand·e
Sigmaringen est aujourd’hui le chef-lieu de l’arrondissement du même nom et appartient au Land de Bade-Wurttemberg. Elle compte 6 quartiers, 18.000 habitants et se trouve à l’extrémité méridionale du Jura souabe et sur le haut Danube.
Depuis la fin du 18è siècle, il existe des liens particuliers entre Sigmaringen et la France.
Le séjour du gouvernement de Vichy, de septembre 1944 à avril 1945 représente un épisode pénible de l’histoire franco-allemande. Sigmaringen peuplée alors de 5000 habitants et qui avait déjà accueilli près de 1600 réfugiés durant les derniers mois de la guerre, vit arriver de nombreux Français fuyant l’avancée des Alliés et les possibles représailles. Sans une confrontation avec cette période sombre, qui précède l‘amitié franco-allemande ainsi qu’avec la « tentation fasciste » (Raymond Aron) des années 20 et 30 aussi bien en France qu’en Allemagne, le risque est grand que l’histoire de Sigmaringen et de cette période ne soit soumise à de nombreuses interprétations sujettes à caution.
Le projet „Sigmaringen, lieu de mémoire“, d’après la définition de Pierre Nora, veut apporter sa part à la compréhension des relations franco-allemandes du XXè siècle. Dans le cadre d’un parcours commémoratif, le contexte de l’histoire franco-allemande particulièrement condensé à Sigmaringen est localisé et rendu visible : des relations tissées au XIXè siècle jusqu’au séjour du gouvernement de Vichy à l’hiver 1944/1945. Ce projet est mené sous la houlette de Monsieur Otto Becker (historien et archiviste des archives nationales et depuis des décennies spécialiste du sujet), Monsieur Clemens Klünemann (romaniste et historien) et Madame Gabriele Loges (germaniste, écrivaine et journaliste). Le projet « lieu de mémoire » a été réalisé en coopération avec l’association „Hohenzollerischer Geschichtsverein e.V.“
Leopold de Hohenzollern-Sigmaringen et la guerre de 1870/1871
L’arrière-petit-fils d’Amalie, Leopold de Hohenzollern-Sigmaringen (1835-1905) joua un grand rôle avec sa candidature au trône d’Espagne, qui fut à l’origine de la guerre franco-prussienne de 1870/1871, première de 3 guerres entre l’Allemagne et la France en l’espace de 70 ans.
Le ministre président de Prusse, Otto von Bismarck poussa Leopold à se porter candidat au trône espagnol vacant. Leopold retira cependant rapidement sa candidature car Napoléon III menaçait de représailles.
En publiant le 13 juillet 1870 la „dépêche d’Ems“ soulignant l’attitude sans compromis de Napoléon III, Bismarck obtint l’adhésion de l’opinion publique et une attitude d’insoumission à l’égard de la France. C’est ce qu’espérait le ministre-président prussien. La dernière des 3 guerres d’unification eut ainsi lieu. Le 19 juillet 1870 la France déclara la guerre à l’Allemagne.
La seconde guerre mondiale, le gouvernement de Vichy et l’époque de l’occupation française
La petite ville de 5000 habitants prit une ampleur inhabituelle avec la présence du gouvernement de Vichy de septembre 1944 à avril 1945. En tant qu’ancienne ville de résidence princière, Sigmaringen disposait de bâtiments et locaux adaptés. Après la libération de Paris de 19 - 25 août 1944 Joachim de Ribbentrop, ministre des affaires étrangères avait donné l’ordre de déplacer le gouvernement de collaboration français de Vichy à Sigmaringen. La famille princière dut quitter le château en toute hâte. Philippe Pétain et ses ministres furent installés au château et bien ravitaillés. Une partie du gouvernement (dont Pétain) refusa d’exercer ses fonctions, une autre partie continua de collaborer avec les nazis. De nombreux civils français, collaborationnistes, suivirent le gouvernement de Vichy dans son exil de peur des représailles. La ville tripla son nombre d’habitants. La veille de l’entrée des troupes du Général Jean de Lattre de Tassigny dans Sigmaringen, les collabos et membres du gouvernement avaient fui la ville. Sigmaringen passa sous occupation des troupes françaises. Après des débuts difficiles pour la population, les prémices d’un rapprochement franco-allemand se dessinèrent, grâce à la promotion des arts et de la culture après 12 ans de dictature. En 1952 fut fondé le Land de Baden-Württemberg.
Cette période représente pour les deux pays une lourde hypothèque sur leur histoire commune. C’est peut-être pour cela que cette période est assez méconnue aussi bien en Allemagne qu’en France. Sigmaringen est cependant tout comme Verdun, Reims ou bien Aix-la-Chapelle ou Versailles, un lieu de souvenir franco-allemand dans l’esprit de Pierre Nora et Etienne François. On retrouve ici les antécédents douloureux et les tensions que le traité de l‘Élysée a tenté de résoudre.
75 ans après, le temps est venu d'intégrer les différentes perspectives sur les événements de l'hiver 1944/1945 dans une vision commune de l'histoire qui puisse servir de base pour une discussion ouverte, discussion elle-même fondamentale dans l’optique d’un futur commun paisible et digne de l’esprit européen.
De la Révolution française à l’après guerres napoléoniennes
En 1781 le Prince d’Empire Friedrich III de Salm Kyrburg épousa à Strasbourg la princesse Johanna de Hohenzollern-Sigmaringen. Un an plus tard, sa soeur, Amalie Zéphyrine (née en 1760 à Paris, morte en 1841 à Sigmaringen), devint l’épouse à Kirn du frère de Johanna, le prince héritier Anton Aloys de Hohenzollern-Sigmaringen (1762-1831). Après la naissance de leur fils Karl, Amalie prit la fuite en 1785. Elle quitta l’étroitesse de la province à Sigmaringen pour aller vivre chez son frère à Paris. Très ouverts aux nouvelles idées de l’époque, ils tinrent un salon à l’Hôtel de Salm, fréquenté entre autre par Thomas Jefferson.
Le Prince Friedrich de Salm-Kyrburg fut guillotiné en même temps qu’Alexandre de Beauharnais. Amalie était l’amie de sa veuve, Joséphine, future épouse de Napoléon Ier.
Après les guerres napoléoniennes Amalie reprit contact avec son époux le prince Anton Aloys de Hohenzollern-Sigmaringen. Ensemble ils purent sauver les principautés de Hohenzollern-Sigmaringen et Hohenzollern-Hechingen de la médiatisation. Avec leur entrée dans la Confédération du Rhin en 1806 les princes de Hohenzollern purent conserver leur souveraineté.
Karl (1785-1853), le fils d’Amalie et d’Anton Aloys épousa en 1802 à Paris la nièce du général de brigade de Napoléon, Joachim Murat. La jeune Antoinette Murat fut élevée au rang de princesse impériale peu avant les noces. En 1808 Karl, accompagné de sa mère et de sa jeune épouse retourna vivre à Sigmaringen.
Le petit fils d’Amalie, le prince Karl-Anton (1811-1885) et le prince Konstantin (1801-1869) de Hohenzollern-Hechingen, en réaction aux troubles révolutionnaires de 1848/1849, renoncèrent à leurs droits souverains en 1849 au profit du roi de Prusse.